Valérie, abusée par un prêtre à 13 ans : "Je me bats pour que ça n'arrive plus à d'autres enfants"

Lyon - 29/03/2016

Source : franceinfo:



Alors qu'un scandale d'agressions sexuelles sème le trouble dans le diocèse de Lyon, la victime d'un prêtre pédophile a accepté de livrer son témoignage à francetv info.

Valérie* est restée murée dans son silence pendant près de quatre décennies. Seule avec son terrible secret. "J'ai été abusée par un prêtre quand j'avais 13 ans et demi", confie la désormais quinquagénaire. Tout juste adolescente, elle a subi des agressions sexuelles répétées dans une paroisse de Nancy. Son calvaire a duré deux ans. Elle n'en dira pas plus. "Ça ne m'est pas possible", souffle-t-elle.

Alors qu'un scandale de pédophilie a éclaté dans le diocèse de Lyon, elle a accepté de témoigner. "Ce qui se passe à Lyon ou ailleurs me donne envie de me battre pour que ça n'arrive plus à d'autres enfants et pour que l'on n'oublie pas de prendre soin des victimes", explique-t-elle.

"Comme une bombe à retardement"

Adolescente, elle avait essayé d'en parler. "Mais je n'ai pas trouvé d'oreilles ni de cœurs prêts à accueillir ce que j'avais à dire", déplore Valérie, avant d'ajouter : "Je ne trouvais peut-être pas non plus les bons mots." Dès qu'elle l'a pu, elle a quitté la paroisse. Son agresseur est mort en 1984, "sans jamais avoir été inquiété". Valérie, elle, s'est mariée et a eu des enfants. "Cela n'a pas toujours été facile. La vie de couple et de famille s'en est trouvée plus compliquée", reconnaît-elle pudiquement. Sa souffrance est restée enfouie.

En 2010, "tout est remonté en moi et a explosé, comme une bombe à retardement", dit Valérie. A cette époque, des affaires de prêtres pédophiles sont révélées dans toute l'Europe : en Irlande, en Allemagne, en Belgique… Les témoignages de victimes se multiplient, des plaintes sont déposées, des enquêtes ouvertes. L'Eglise est sommée de rendre des comptes

Valérie a écrit une lettre à l'évêque de Nancy, dans laquelle elle raconte son histoire, dans l'espoir qu'il lui demande pardon, au nom de l'Eglise, "pour les abus du prêtre et pour le silence qui était alors demandé à ceux qui savaient". Le primat de Lorraine a répondu à sa requête par courrier. "Je lui en suis très reconnaissante", assure Valérie. L'abbé lui a également proposé de la rencontrer, si elle le souhaitait. Elle n'a pas pu. Elle a mis deux ans à se décider. Elle a finalement été reçue par l'évêque d'Orléans, le diocèse où elle vit désormais. Ils se sont vus à plusieurs reprises.

"J'ai envie d'aider là où moi-même je n'ai pas reçu d'aide"

Ensemble, ils ont eu l'idée de créer une cellule d'écoute pour les victimes de prêtres pédophiles au sein du diocèse d'Orléans. Celle-ci a vu le jour il y a un an et demi et commence à recevoir des appels. "C'est du sur-mesure", décrit Valérie. "Ce n'est ni un soin ni un accompagnement spirituel. C'est plutôt un soutien pour se reconstruire dans un lieu 'sécure' de l'Eglise, où la confiance peut revenir tout doucement. La confiance en soi, en Dieu et en l'Eglise, éventuellement."

"J'ai envie d'aider là où moi-même je n'ai pas reçu d'aide", dit-elle. "J'ai porté cela seule très longtemps. Maintenant, je ne suis plus seule. Voilà aussi pourquoi je fais partie de cette équipe, pour pouvoir dire à d'autres : maintenant, tu n'es plus tout-e seul-e." Valérie apporte aux cinq autres bénévoles sa douloureuse expérience. "Ce que j'ai vécu peut servir à quelque chose : aider à ce que ça ne recommence pas avec d'autres enfants, et aider d'autres personnes à trouver un peu de paix."

"Ça donne du sens, aujourd'hui, à cet hier qui n'en a pas"

Cette cellule d'écoute a aussi des vertus thérapeutiques pour Valérie. Elle peut y être elle-même, y compris aux yeux de l'Eglise, et parler sans crainte de ce qu'elle a subi. "C'est réparateur", atteste-t-elle. "Ça donne du sens, aujourd'hui, à cet hier qui n'en a pas. Ça m'aide à me remettre debout et à retrouver une place digne dans l'Eglise". Entre elle et l'institution qui l'a trahie autrefois, la confiance renaît lentement. "Cela reste malgré tout encore très fragile", tempère-t-elle.

"Petit à petit, je suis en train de me reconstruire", y compris au niveau spirituel, confirme Valérie. "C'est très long, mais lorsque je m'aperçois que quelque chose qui m’était impossible redevient possible, je sais que j'ai encore gagné un peu de liberté vis-à-vis de mon passé." Une petite victoire sur la vie après l'autre. "Je vois que ce qui était mort en moi redevient vivant."

* Le prénom a été changé







albert on mardi 29 mars 2016 - 09:09:58