Pédophilie dans l’Eglise : une soixantaine d’affaires aux mains de la justice

France - 23 janvier 2017

Source : Libération


Les 106 diocèses de l’Hexagone ont été priés de livrer leurs données dans le cadre d’une enquête interne de la Conférence des évêques de France. Des chiffres inédits mais qui ne disent qu’une partie de la réalité.

Surtout pas de triomphalisme. «Neuf, c’est toujours neuf de trop», s’empresse de dire Ségolaine Moog, déléguée pour la lutte contre la pédophilie à la Conférence des évêques de France (CEF). Neuf ? C’est le nombre de clercs (c’est-à-dire des prêtres ou des diacres, le grade en dessous) actuellement incarcérés pour des faits d’abus sexuels sur mineurs. D’un point de vue judiciaire, les affaires de pédophilie concerneraient, selon une enquête interne de la CEF, une soixantaine de clercs catholiques. Parmi eux, 37 ont déjà purgé leur peine et 26 font l’objet d’une mise en examen. Depuis plusieurs mois, les évêques catholiques promettaient de donner des chiffres à la suite du scandale qu’a provoqué, à Lyon, l’affaire de l’abbé Bernard P. Aucun bilan n’avait été établi par l’institution depuis 2010 et les 106 diocèses de l’Hexagone ont donc été priés (non sans réticence pour certains) de livrer leurs données.

«Le principal enseignement de l’enquête, c’est que cela nous permet d’objectiver un volume d’affaires», poursuit Ségolaine Moog. Toutefois, cette soixantaine de dossiers n’est qu’une petite partie de la réalité des cas de pédophilie dans l’Eglise catholique en France. Cela pourrait paraître très peu eu égard au nombre de prêtres, en exercice en France, à peu près 12 000 actuellement ; ce que ne manqueront pas de souligner un certain nombre de milieux conservateurs qui estiment que les affaires de pédophilie sont instrumentalisées contre l’Eglise.

«Il faut souvent beaucoup de temps aux victimes»

En fait, la configuration est très complexe. «Depuis six ans, 137 signalements de faits pédo-criminels ont eu lieu auprès des procureurs de la République par l’Eglise», relève l’enquête de la CEF. Et selon le décompte de l’institution, 222 victimes se sont manifestées, ces dernières années, auprès des diocèses. Pour 60% d’entre elles, les faits remontent au-delà des années 70 et du coup, sont prescrits. «Il faut souvent beaucoup de temps aux victimes pour raconter ce qu’elles ont subi», précise Ségolaine Moog, une constante dans les affaires de pédophilie. Manque aussi, dans l’enquête des évêques, le nombre de prêtres qui ont été renvoyés de leur institution. Pour les affaires les plus graves, le droit canonique (le droit interne de l’Eglise) prévoit de défroquer ceux-ci, une procédure mise en route après les condamnations par la justice. Pour sa part, l’association La Parole libérée avait révélé, à l’automne, avoir reçu le témoignage de plus de 400 victimes.







albert on lundi 23 janvier 2017 - 10:19:32